Le 14 octobre 2025, Washington a mis en place de nouvelles surtaxes sur les meubles en bois importés. Un décret présidentiel instaure une taxe générale de 25 % sur l’ensemble du mobilier, portée à 50 % pour les armoires de cuisine et les meubles de salle de bain, et à 30 % pour les pièces rembourrées. Cette politique s’inscrit dans la stratégie de relocalisation industrielle voulue par le gouvernement américain.
Les fabricants asiatiques en première ligne
Les mesures visent avant tout les exportateurs d’Asie, très présents sur le marché américain. Le Trayton Group, producteur de taille moyenne et propriétaire de la marque Simon Li (vendue notamment chez Costco), en exporte plus de 70 % de sa production vers les États-Unis. Anticipant les politiques protectionnistes, l’entreprise a déjà déplacé une partie de ses usines de Chine vers le Vietnam, d’où partent encore près de 50 conteneurs par semaine à destination du marché américain.
Son dirigeant, Simon Lichtenberg, estime que le transfert de production vers les États-Unis reste “quasiment impossible” : coûts élevés, pénurie de main-d’œuvre qualifiée et chaîne logistique insuffisante.
Même constat chez Jonathan Sowter, patron de Jonathan Charles Fine Furniture, qui emploie 2 500 salariés au Vietnam et expédie une soixantaine de conteneurs mensuels vers les États-Unis. Il prévoit désormais de réorienter ses ventes vers d’autres marchés, jugeant la fabrication locale irréaliste.
Le Vietnam, nouvel atelier du mobilier mondial
Trayton n’est pas un cas isolé : des groupes tels que Man Wah Furniture ou KUKA Home ont eux aussi déplacé une part de leur capacité de production hors de Chine pour contourner les surtaxes américaines.
Résultat : le Vietnam s’impose comme un acteur central du meuble mondial. Sur les sept premiers mois de 2025, ses exportations de mobilier vers les États-Unis ont atteint 8,2 milliards USD, presque à égalité avec celles de la Chine (8,4 milliards). Une bascule historique se profile.
Surtaxes et détournement de volumes
Pour les exportateurs asiatiques, ces hausses de droits de douane réduisent la rentabilité du marché américain. Une partie des volumes destinés aux États-Unis risque donc d’être redirigée vers d’autres régions :
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Europe du Sud et Moyen-Orient, toujours friands de mobilier importé ;
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Afrique du Nord, notamment le Maroc, qui dispose d’une logistique performante (Casablanca, Tanger Med) et d’un marché en forte croissance sur les segments cuisines, dressing et mobilier sur mesure.
Cette redistribution pourrait faire baisser les prix à l’export et accentuer la pression concurrentielle sur les fabricants locaux.
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Le Maroc face à de nouvelles opportunités… et à des risques
Pour les importateurs marocains, ces nouveaux flux commerciaux pourraient se traduire par :
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un accès élargi à des produits de meilleure qualité, initialement conçus pour le marché américain ;
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des prix compétitifs à court terme, les exportateurs asiatiques cherchant à écouler leurs stocks ;
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une diversification bienvenue dans un contexte de forte demande locale.
Mais ces avantages s’accompagnent de risques :
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approvisionnements instables si les tarifs américains évoluent ou si les exportateurs privilégient d’autres zones ;
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pression sur les marges locales due à la concurrence accrue ;
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relations fournisseurs fragilisées par des ventes opportunistes ou ponctuelles.
Stratégies pour les professionnels marocains
Pour tirer parti de cette situation sans compromettre leur stabilité :
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Diversifier les sources d’approvisionnement, notamment vers l’Europe et la Turquie.
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Négocier des partenariats durables avec les fournisseurs asiatiques, incluant conditions tarifaires et contrôle qualité.
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Constituer des stocks tampon pour pallier les fluctuations de livraison.
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Soutenir la production locale, en investissant dans la menuiserie et la fabrication nationale pour équilibrer importations et offre marocaine.
Une redistribution mondiale en marche
Les droits de douane américains redessinent les routes d’exportation du mobilier. Les fabricants asiatiques misent sur le Vietnam pour préserver leur accès au marché nord-américain tout en cherchant de nouveaux débouchés. Pour le Maroc, cette reconfiguration ouvre une fenêtre d’opportunité commerciale, mais impose une gestion prudente et stratégique des achats afin de préserver la compétitivité de la filière locale.