Taxe sur les bois importés : un frein à la compétitivité de l’industrie du bois au Maroc

Atelier de transformation bois au Maroc impacté par la taxe sur les bois importés

Alors que le Maroc s’apprête à accueillir des événements majeurs comme la CAN 2025 et la Coupe du monde 2030, la demande en mobilier explose, portée par les chantiers hôteliers, les rénovations d’infrastructures et les programmes résidentiels. Pourtant, l’industrie nationale du meuble en bois peine à capter cette dynamique, freinée par une fiscalité qu’elle juge injustement favorable aux importations.

Au cœur du débat : une taxe forestière controversée, un système de quotas sur les panneaux MDF, et une politique perçue comme incohérente par les professionnels du secteur.

Un marché dynamique, mais sous tension

Le secteur marocain du meuble en bois représente un chiffre d’affaires estimé entre 15 et 20 milliards de dirhams, pour environ 30 000 emplois directs et indirects. Dans un marché total évalué entre 25 et 38 MMDH, 30 à 40 % sont captés par les importations, en majorité en provenance de l’Union européenne, de Turquie ou d’Asie.

Malgré l’essor de la commande publique et privée, les industriels locaux n’en profitent pas pleinement. En cause : une structure de coûts désavantageuse et une fiscalité qui, selon eux, privilégie les importateurs de meubles finis.

Une taxe forestière à double tranchant

Créée à la fin des années 1980, la taxe forestière vise à alimenter le Fonds national forestier pour financer le reboisement. Historiquement, elle s’appliquait uniformément à hauteur de 12 % sur les articles en bois (chapitres 44 et 94 du tarif douanier), qu’il s’agisse de matières premières ou de produits finis.

Mais en 2025, la loi de finances introduit une rupture d’équilibre :

  • 6 % seulement pour les meubles finis importés.

  • 12 % maintenus pour les matières premières destinées à la fabrication locale.

Ce différentiel fiscal, jugé incohérent, affaiblit la compétitivité des industriels marocains. Selon Abdessamad Sentissi, consultant senior chez ALK Consulting, « la baisse du taux pour les meubles finis rend les produits importés plus compétitifs, alors même que la fabrication locale supporte une taxation plus lourde sur ses intrants ».

Fabricants locaux : une équation économique fragilisée

Le coût de la matière première représente 30 à 40 % du coût de revient total pour les fabricants nationaux. Quand la taxe s’appliquait uniformément, cet équilibre donnait un léger avantage au « Made in Morocco », grâce à l’intégration de la main-d’œuvre, de l’assemblage et de la finition.

Mais aujourd’hui, le coût d’importation d’un meuble complet est parfois inférieur à celui de sa fabrication locale, comme le souligne Aymane Sami, président de l’Association marocaine des industries du bois et de l’ameublement (AMIBA).

« Ce que nous demandons, ce n’est pas un privilège, mais une équité. La fiscalité actuelle pénalise l’effort de production locale au moment même où le pays prétend soutenir l’industrie nationale », déplore-t-il.

Quotas MDF : une protection biaisée ?

Autre difficulté majeure : l’instauration d’une mesure de sauvegarde sur le panneau MDF revêtu, à la suite d’une enquête initiée en 2024 par CEMA Bois de l’Atlas, acteur dominant du secteur.

Face à une hausse de 145 % des importations entre 2019 et 2023, l’administration a mis en place un quota annuel au-delà duquel les importations sont surtaxées. Si cette décision visait à contenir la concurrence étrangère (Espagne, Turquie, Asie), elle a surtout profité au seul producteur local, sans couvrir l’ensemble des besoins du secteur.

Des effets contre-productifs sur la production

De nombreux fabricants se retrouvent aujourd’hui dans l’impasse :

  • Soit ils disposent de quotas suffisants pour produire ;

  • Soit ils les ont épuisés, et l’usine cesse de fonctionner, faute de matière.

« Pour certains projets, notamment publics, il est plus simple et économique d’importer directement les meubles plutôt que de risquer une rupture de stock liée à des contraintes douanières », déplore Othman Tazi, directeur général Hospitality & Contract du groupe Richbond.

Une logique de consommation qui pénalise la filière

Du côté de l’administration fiscale, la baisse du taux appliqué aux meubles finis relève d’une volonté d’alléger la facture du consommateur. En effet, la taxe de 12 % s’appliquait ad valorem, sur la totalité du meuble, même lorsque la part de bois y était faible.

Cette stratégie a permis de maîtriser l’inflation sur le mobilier, à un moment où le pays devait meubler massivement logements, hôtels et bureaux. Mais selon les industriels, cela revient à sacrifier l’amont de la filière.

« Nous sommes dans une situation absurde : la matière première coûte plus cher que le produit fini. Résultat, on freine la production nationale et on encourage l’importation », martèle Othman Tazi.

Une dépendance structurelle à corriger

Au-delà des choix fiscaux, le problème de fond reste structurel : le Maroc ne produit pas de bois brut à grande échelle. Le pays dépend des importations, même pour les matériaux considérés comme « matières premières », déjà transformés dans les pays producteurs (Gabon, Cameroun, etc.), où l’exportation de grumes est souvent interdite.

Cette contrainte limite l’industrie locale à des tâches d’assemblage, de découpe et de finition, réduisant sa valeur ajoutée et sa capacité d’intégration.

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